Avoir vu le Cotopaxi et le Chimborazo m’a vraiment redonné la pêche et je suis motivé pour la suite de mon voyage. Arrivé à Riobamba, je suis hébergé par José, contacté via Couchsurfing, et j’espère pouvoir rester deux jours chez lui pour préparer la suite de mon voyage et enlever mes points de suture sur la tête. Malheureusement, les choses ne se passent pas comme prévu et vont même se corser. José m’informe le lendemain matin qu’il doit partir rapidement voir sa famille quelques jours et que je ne peux donc pas rester. C’est une déception car le courant passait bien et surtout ces périodes de repos sont aussi pour moi l’occasion d’être avec des gens et partager plus que quelques minutes. Tant pis pour les points de suture, je prends rapidement la décision de rallier Loja en passant par Macas car les paysages devraient être plus jolis en bordure de l’Amazonie et j’évite ainsi la Panaméricaine chargée en véhicules.
La route de l’isolement
Entre Riobamba et Macas, la route monte jusqu’aux Lagunas de Atillo à 3500 mètres d’altitude et c’est un lieu qui s’annonce intéressant à voir. La route que j’emprunte est à l’image de celle que j’ai prise depuis Ambato, c’est une petite route de montagne avec assez peu de circulation et comme précédemment les gens sont très nombreux à me saluer. Il y a régulièrement des petits villages qui s’étendent sur des kilomètres avec des habitations de temps à autre le long de la route et on retrouve un terrain de volley à chaque concentration d’habitations un peu plus importante.
A Cebadas, alors que je me ravitaille en nourriture et fais une pause pour mon quatre heure, je rencontre Patricio qui est en visite avec sa famille. Il s’intéresse à mon voyage et mon vélo et une fois n’est pas coutume, je lui propose d’essayer mon vélo. Chargé en pleine côte, il prend la mesure de l’effort à fournir. Très avenant, il souhaite que nous échangions nos maillots, je lui propose donc mon maillot du « Tour de France ». J’aime ces rencontres qui, même si elles sont brèves, me font chaud au cœur et me resteront graver longtemps en mémoire.
Tout le long de la route, je vois énormément de panneaux d’information concernant l’environnement : ne pas jeter ses ordures, ne pas polluer les rivières, la terre est unique, etc… Globalement, on sent que cela influence la population et les bords de route me paraissent beaucoup plus propres qu’en Colombie. On retrouve aussi régulièrement des panneaux de « propagande » sur la fameuse revolución ciudadana du gouvernement vantant les mérites de la réalisation de tels ou tels travaux.
Comme je suis parti en fin de matinée et que mon objectif est de camper près des Lagunas de Atillo, je me retrouve à rouler à la tombée de la nuit et la pluie, déjà présente l’après-midi, s’intensifie. Une voiture venant à contre-sens s’arrête pour me prévenir qu’il y a eu un éboulement sur la route qui empêche de continuer jusqu’à Macas et qu’il est préférable de faire demi-tour. Je demande des détails sur l’éboulement et finis par avoir confirmation qu’à vélo ça devrait passer. De toute façon, pour moi, il est avant tout question de trouver un endroit pour dormir car je commence à être trempé et à avoir froid. Je continue encore une grosse demi-heure dans la nuit noire pour arriver à un restaurant où je demande à passer la nuit. En discutant avec la patronne, je comprends que depuis l’éboulement, il n’y a plus d’électricité dans les villages alentours et qu’il y aurait un deuxième éboulement. L’électricité revient dans la soirée, je me dis que c’est bon signe et repars tôt le lendemain.
Les lacs d’Atillo ont l’air magnifiques et la route serpente entre certains mais malheureusement le temps est égal à celui du Trampolín de la Muerte donc je ne vois pas grand chose. La région est également réputée pour ses élevages de truites mais, encore une fois, je ne suis pas là pour ça.
Dans la longue descente vers Macas arrive le premier éboulement fait uniquement de pierres. Je passe tranquillement à pieds, à côté de mon vélo, je me dis que c’est cool que je suis passé facilement et que j’arriverai rapidement à Macas.
Quelques kilomètres plus tard, je passe par quelques maisons et échange avec les habitants sur les éboulements. Un chauffeur de camion m’explique qu’il est bloqué depuis hier entre les deux éboulements. Le second est à quelques centaines de mètres et celui-ci est bien plus costaud: fini les pierres, il s’agit ici d’un mélange d’arbres et de terre devenue de la boue. Une reconnaissance sans le vélo s’impose pour déterminer le chemin le plus judicieux. La dépose des sacoches et le portage en deux temps est obligatoire mais en prenant mon temps et en restant prudent, je finis par m’en sortir même si j’avoue que ça a été bien plus difficile. Je continue d’avancer et je repasse encore quelques plus ou moins gros éboulements nécessitant parfois le portage.
A Zuñac, on m’informe qu’il y a encore un éboulement juste après le village. Ça commence à bien faire ! Le dernier, celui-là, c’est vraiment pour voir si j’ai envie d’aller jusqu’à Macas ou pas. On aurait dit le big boss, du dernier niveau d’un jeu vidéo ! 90% de boue, pour être sûr de freiner au maximum mon avancée. Sur la fin, au pire de l’éboulement, j’ai de la boue presque à mi-cuisse. Je n’arrive presque plus à avancer et c’est au prix de gros efforts que je finis par réussir à transporter mon vélo de l’autre côté. Après le passage avec mon vélo sur l’épaule, une femme dans un mini-bus, m’offre des petits pains. J’en mange un et garde le deuxième en récompense du passage avec les sacoches. Les véhicules ne pouvant arriver jusqu’au village, les habitants de Zuñac doivent rejoindre le mini-bus à pieds s’ils veulent se déplacer. Eux, ont leur technique et passent à travers la forêt pour contourner l’amas de boue mais ça n’est pas franchement plus simple. Chargé de mon sac à dos, ma tente et mes sacoches, j’aurais eu autant de mal à passer. Je regrette presque de ne pas avoir pris de photos ou filmé tellement c’était intense, j’aurais vraiment pu faire de très belles images. C’est l’un des inconvénients de voyager seul (on verra pour en faire autant en Asie).
En fin de journée, c’est pas moins de six éboulements que j’ai dû traverser et en arrivant chez les pompiers de Macas, je me rends compte que j’ai passé plus de temps à traverser ces éboulements qu’à faire du vélo ! Quand je repense à la revolución ciudadana, je me dis que tout ça est bien gentil mais une route où des éboulements ont lieu à chaque fois qu’il pleut, ca n’est pas une route de qualité. J’apprendrai plus tard qu’elle a été réalisée par une entreprise chinoise (comme mon réchaud…).
Après le dernier éboulement, je rencontre David, un français qui voyage également à vélo depuis près de deux ans. Entre cyclo-voyageurs, il est de coutume de s’arrêter et d’échanger quand on se croise. Et comme il remonte vers le Nord, il a quelques bons tuyaux à me donner, notamment concernant les hébergements.
La décision du destin
Après avoir passé la nuit à la caserne des pompiers de Macas, deux femmes pompiers m’enlèvent en douceur les points de suture que j’avais sur la tête, s’en est donc presque fini des bobos de ma chute.
Alors que je pars de Macas, j’ai pour objectif d’arriver à la casa del ciclista de San Juan Bosco dont David m’a parlé. J’ai l’intention de m’y reposer une journée complète et de laver toutes mes affaires.
Selon Google Maps, cela fait 123km (j’y crois !) mais lorsque j’arrive à Bella Union pour la pause déjeuner (71 km au compteur), j’aperçois un panneau affichant 80km pour San Juan Bosco (donc je n’y crois plus) ! Je n’ai pratiquement fait que descendre toute la matinée alors 80km en montée, ça n’est pas possible pour moi en moins de 6 heures.
J’hésite alors à prendre un bus car j’ai quand même besoin de me reposer et la casa del ciclista semble l’endroit idéal (selon mes proches, il paraît que j’ai l’air fatigué sur les photos).
Bref, le panneau affiche aussi Limón à 42 kilomètres alors je décide d’y aller car la vendeuse de l’épicerie ne sait pas me dire quand passera le prochain bus. Finalement après une heure de vélo, un bruit suspect m’interpelle. Il provient de ma pédale gauche qui tourne mal et quelques kilomètres plus loin, elle bloque carrément. Je m’arrête, la démonte et mon talent de mécanicien me permet de conclure que les roulements à billes sont cassés et que je ne peux pas la réparer. L’homme devant chez qui je m’arrête, me demande quand même si je n’en ai pas une de rechange (il faut savoir que sur un vélo, il y a une pédale gauche et une pédale droite)… Mais alors que je parle de l’horaire du prochain bus, ce denier arrive alors je saute dedans.
Tout ça est bien dommage car je me sentais bien et je prenais du plaisir dans la montée (oui Alexia, c’est possible de prendre du plaisir en montée). Ca laisse du temps pour regarder le paysage…
Pour ceux qui croient que le bus est la solution de facilité, détrompez-vous ! Le bus est relativement inconfortable car ça remue beaucoup, on ne voit pas le paysage et en plus ça coûte des sous… Et je ne parle pas de la musique !
La casa de ciclista de Doris
David m’avait dit de demander la famille Arevalo en arrivant à San Juan Bosco et en approchant de l’épicerie familiale, Doris comprend tout de suite pourquoi je suis là. L’accueil est au-délà de ce que m’avait raconté David et cette famille est au petit soin avec moi.
Après un voyage à vélo de quatre mois en Équateur, Doris a souhaité construire une casa del ciclista pour accueillir des voyageurs à vélo et rendre l’hospitalité qu’elle avait reçu tout au long de son voyage. Je comprends exactement de quoi elle parle mais en tant que voyageur, il est toujours frustrant de pas pouvoir rendre la pareille à ses hôtes. La maison est situéé à l’égard du village, un peu plus haut que la route, et elle a été construite en grande partie à l’aide de matériaux de récupération. Si elle ne dispose pas d’électricité et d’eau chaude, elle bénéficie en revanche d’autres atouts : un lit de 2 mètres x 2 mètres, une vue sur la forêt amazonienne et surtout une décoration autour du vélo avec beaucoup de goût.
Passer du temps avec la famille Arevalo me permet d’en apprendre un peu plus sur le pays et la mère de Doris me fait part de son inquiétude quant aux projets miniers aux alentours. En effet, en entrant dans la ville, on peut voir un panneau de la revolución ciudadana affirmant que les mines permettent l’éducation. Selon la mère de Doris, ces projets de mines détruisent la nature, contaminent les cours d’eau et quelques dizaines d’années après, ils disparaissent. Elle prendra comme exemple, le Pérou qui possède beaucoup de mines et dont certaines fermées ne laissent plus rien aux habitants alentours. J’espère avoir l’occasion d’en voir au Pérou pour me faire ma propre idée.
A San Juan Bosco, je rencontre également Emiliano, un jeune qui vient tout juste d’ouvrir une laverie et qui me lave mon linge gratuitement et surtout le sèche. C’est toujours intéressant pour moi de rester plus longtemps à un endroit car cela me permet de mieux faire connaissance avec les gens. Et finalement je me sens bien au village avec des gens aussi sympathiques alors je décide de rester une journée de plus. C’est la première fois que je prends plus de temps que prévu mais cette décision a également été forcée par un problème technique. Après seulement 2000 kilomètres, mon pneu arrière est déchiré et ma chambre à air a explosé. Par chance, ça n’est pas arrivé en roulant dans une descente et il me faut un peu de temps pour le faire réparer provisoirement. La réparation n’aura pas été très réussie car à peine 50 kilomètres plus tard, je m’arrête dans le premier (le seul) magasin de vélo de Gualaquiza pour le remplacer.
Le moral à l’epreuve
Malgré l’hospitalité de la famille Arevalo, j’ai de moins en moins de motivation depuis Riobamba. Alors que je pensais que c’était lié au climat et à la pluie journalière, je me rends finalement compte que c’est d’avantage lié un à manque d’objectif. Jusqu’à présent tous les 2 à 4 jours j’arrivais dans un endroit qui m’enchantait particulièrement mais avec la pluie et le brouillard, je n’ai pas vu grand chose des Lagunas d’Atillo et le parc de Podocarpus ne m’a pas paru aussi beau qu’on le dit. Même au col avant de redescendre sur Loja, je suis en plein dans les nuages et je ne peux pas profiter de la vue.
La générosité et la chaleur des gens renontrés ne suffisent pas à maintenir ma motivation, je prends donc finalement la décision d’avancer en bus de Loja jusqu’à la frontière péruvienne et même un peu plus loin. Pour moi, prendre le bus c’est toujours une décision difficile, prise parfois à contre-cœur mais les chiffres parlent d’eux-mêmes et le nombre de kilomètres me restant à parcourir m’obligera de toute façon à prendre le bus à plusieurs reprises alors autant le faire maintenant et gagner quelques jours.
Loja est l’occasion pour moi de faire des nouvelles réparations sur mon vélo. Après avoir fait vidanger d’urgence mon frein arrrière à Riobamba, je change à nouveau mes plaquettes de frein avant (après seulement 600 kilomètres) et fais également la purge mais surtout je trouve une excellente boutique avec un mécanicien qui saura me rafistoler mon support de sacoche de guidon cassé lors de ma chute quelques semaines plus tôt. Il saura également me réparer mon support de lampe, cassé suite à une autre chute quelques jours plus tôt. Si globalement, mon vélo tient bon, je commence malgré tout à avoir des petits problèmes par-ci par-là au fil des kilomètres.
Quand on a l’habitude de voyager à vélo, on a aussi du mal à s’adapter aux contraintes du bus. Pour rallier Loja à la frontière péruvienne à La Balsa, il faut s’accorder avec les horaires. Le bus de 5h30 n’est plus programmé et je dois prendre celui de 9h00 mais j’ai peur qu’il ne me permette pas d’arriver à la frontière avant la nuit (et que la frontière ferme selon ce que j’ai pu lire sur un blog). Le bon coup à jouer aurait été de prendre le bus à 23h30… Finalement, le bus arrive à l’heure à Zumba d’où je dois rejoindre la frontière à une vingtaine de kilomètres de là. Pas de bus, seulement un taxi mais qu’un seul passager avec qui partager les frais. Je décide donc d’y aller à vélo et une heure après le taxi me rattrape et m’emmène jusqu’à la frontière. Finalement, j’apprendrai que la frontière ne ferme pas la nuit et que le douanier équatorien en sueur quitte sa partie de volley pour assurer les formalités administratives.
Salut Antho!
Je te laisse un commentaire auf Französich car apparemment mon humour est difficile à saisir en espagnol : J’apprécie POUR DE VRAI ton accent (j’ai bien le son de tes vidéos), l’exotisme et la qualité de tes images (que je regarde en grand), la peine que tu dois te donner pour monter tout ça! (les vidéos, mais les cols aussi!)
Mention spéciale à la patatoïde de David, où à ta traversée des éboulis digne d’un Mike Horn!
Bref on en apprend beaucoup sur les endroits où tu passes, sur toi aussi, et c’est toujours très plaisant de te lire. 🙂
En échange de tes récits d’aventurier, je te laisse l’adresse du blog (dans un tout autre registre) de notre copain Bruno (qui te suit et like ta page)
http://brunoberson.wixsite.com/le-monde-en-courant
Bonne route pour les prochains jours!
Merci Olivia de suivre mon voyage, j’espère que ça te donne envie de venir pédaler également. Si ça n’est pas encore le cas, la suite et fin du Pérou ne devrait manquer d’arguments pour te motiver.
Dans les coins reculés, les gens sont vraiment gentils (comme dans la plupart du monde d’ailleurs).
Je me prépare pour la suite de la Great Divide et je vais m’alléger au maximum car ça s’avance vraiment très costaud. J’ai toujours un peu de retard sur le blog mais c’est normal :).
Salut Tonio !!
Et ben dis donc ! C’est pas facile facile ton histoire !
Tu viens de présenter en détails pourquoi je ne ferai jamais de ciclotourisme 🙂
Vive le clubmed ! Ptet pas quand mm, mais bon, il doit y avoir un juste milieu…
Je ne peux donc que te dire bravo pour ta persévérance, et ton engagement dans cette aventure !
Très belles photos, même avec la brume 🙂
Envoi du paté !!!
Salut Greg,
En même temps, je n’avais pas tellement le choix, t’es coincé entre la montée et un retour sur la Panaméricaine et des éboulements que j’imagine plus simples… Par contre, la suite de mon parcours, j’ai choisi et certaines parties sont vraiment très dures aussi.
Je pense que les prochains articles à venir vont te donner envie de faire du vélo par contre.
Salut Greg,
Finalement, j’avais le choix entre quoi : faire demi-tour et me taper la Panaméricaine avec le traffic qui va avec ou continuer en passant les éboulements que j’imaginais beaucoup plus simples… Finalement, j’ai aussi fait de belles rencontres après ce passage difficile et ça m’a permis de voir une réalité de l’Equateur.
Merci pour ton compliment sur les photos, les prochaines sont encore plus belles promis !