Les deux jours sur la route principale pour arriver à Siem Reap nous ont suffit, on ne veut plus de bruits de klaxon, plus de chauffeurs imprudents, plus de lignes droites interminables. Anthony étudie la carte et nous concocte un petit tracé loin de la route principale, qui remonte d’abord au Nord de Siem Reap pour redescendre ensuite vers le sud à Prey Veng , notre prochaine destination.
Désacralisation
Pour manger, nous repérons les casseroles sur les tables en bord de route mais une ou deux fois nous nous contentons de bananes pour le déjeuner faute de mieux.
S’il n’est pas toujours facile de trouver à manger, ce n’est guère mieux pour dormir. Nous arrivons le premier soir dans un village dans lequel nous ne trouvons pas de guesthouse, nous décidons alors d’aller au temple dans lequel une fête semble se dérouler. En fait, nous apprenons que c’est le 11ème et dernier jour d’une cérémonie de deuil, le moine responsable de la région est mort. On tombe un peu mal mais on n’a pas vraiment le choix. Nous y rencontrons un jeune moine d’une vingtaine d’années parlant anglais à qui on peut expliquer qu’on aimerait, si possible, dormir au temple. La demande le surprend, il ne doit pas y en avoir beaucoup des touristes qui demandent l’hospitalité dans ce coin. Il nous explique que le moine responsable du temple est occupé pour le moment avec la cérémonie mais qu’il nous emmènera le voir après pour lui demander son accord. Plus le temps passe et moins je me sens à l’aise. Plusieurs moines nous avertissent de faire attention à nos affaires puis vient le moment de rencontrer le responsable. Celui-ci accepte que nous restions mais demande à garder nos passeports pour la nuit au cas où une envie de voler quelque chose (un bouddha ?) nous prendrait. On nous installe dans une chambre et le jeune moine nous explique qu’ils vont mettre le veilleur de nuit devant la porte, qu’il y a beaucoup de vols et de crimes par ici, leurs intentions ne sont pas claires, vont-ils demander de l’argent ? Nous insistons pour qu’il n’y ait personne qui nous soit « attribué ». Même quand nous prenons la douche, un groupe de moine nous attend devant la porte et nous escorte jusqu’à la chambre, comme si ça pouvait vraiment être dangereux en fait. Finalement, on n’aura pas de mal à récupérer nos passeports le lendemain, personne ne nous demandera de l’argent, on aura eu le droit à un dîner et un petit déjeuner, nous repartons reposés et avec une vision différente des moines. Oui, cette expérience nous aura permis de voir une autre facette du bouddhisme. Au Cambodge, nous voyons beaucoup de moine-enfants, c’est parfois le seul moyen pour eux de recevoir une éducation et cela permet de ne plus être à la charge de leurs parents. Mais où est la religion dans tout ça ? Notre jeune hôte nous a dit son prénom suivi de « but you can call me monster« , nous a parlé d’Antoine Griezmann et de ses envies passées d’arrêter d’être un moine. Il attend de trouver quoi faire de sa vie avant d’arrêter. C’est finalement un jeune comme un autre qui a enfilé la tunique orange alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’années.
Un autre soir, nous nous retrouvons encore dans un temple et alors qu’on s’installe après avoir demandé la permission, un policier arrive et nous explique, par l’intermédiaire d’un autre homme qui parle anglais, que nous serions plus en sécurité dans la guesthouse du village. Il se montre insistant alors nous acceptons, on y serait allé de toute de façon si on l’avait vue. Nous nous retrouvons dans une chambre donnant sur l’extérieur sans poignée de porte, sommes-nous vraiment plus en sécurité ?
Le temps du doute
Nous apprécions évidement cette virée dans les coins reculés mais la route devient monotone, nous n’avons quasiment rien à visiter sur le chemin et les paysages ne rajoutent guère de piment. Les deux nuits précédentes n’aident pas à y voir clair.
Alors on s’interroge sur notre planning, notre itinéraire… Nous avions l’idée de faire du WWOOFing (volontariat dans une ferme par exemple) au Cambodge pour s’imprégner de la culture locale mais nous n’avions rien trouvé de convaincant. Autour de Siem Reap, on voit un tas d’écoles d’anglais faisant appel à des volontaires pour donner des cours. On se dit pourquoi pas nous ? On se renseigne, on en discute entre nous jusqu’à douter que ce soit réellement une façon d’aider les enfants : déjà l’anglais n’est pas notre langue maternelle (Dad, why ?) et nous ne sommes pas profs, ça ne s’improvise pas. Les volontaires restent souvent peu de temps ce qui fait que finalement les enfants apprennent l’alphabet et sûrement la liste de phrases du paragraphe suivant mais pas vraiment plus. Ce sont ces mêmes enfants qu’on retrouve à vendre des choses aux touristes aux temples avec le peu d’anglais qu’ils connaissent. Enfin beaucoup de ces « écoles » demandent une compensation financière pour l’hébergement et les repas des volontaires. Ça, on peut le comprendre mais il paraîtrait que beaucoup le font plus parce que ça rapporte un peu que dans l’intérêt des enfants. Ce n’est certainement pas le cas de toutes mais finalement on préfère l’idée d’une ONG qui organise des cours avec des profs Khmers. Heureusement, on est assez sage pour se rendre compte que c’est une fausse solution pour nous, on continue notre route et ça laisse place à des débats intéressants pendant qu’on pédale 😉.
Pistes, poussière et ruralité
Le doute ne s’immisce pas complètement en nous et malgré un paysage plat et souffrant de la déforestation, nous savons apprécier ce que le voyage nous offre.
Nous sommes immergés au plus près de la vie rurale cambodgienne. Une bonne partie de notre tracé se fait sur de la piste, parfois de très bonne qualité et parfois jonchée de trous, de boues et de cailloux. Quelque soit la piste, nous sommes rapidement recouverts d’une fine pellicule de poussière de couleur ocre. On s’offre même quelques passages sur des pistes étroites où l’on ne croise personne. J’ai aimé celle où Anthony tombe, quasi à l’arrêt, dans une énorme flaque d’eau, que dis-je ? De boues ! Chaque flaque est un petit défi, on essaie de deviner le meilleur passage, on estime la vitesse nécessaire pour passer et on se lance. Bien sûr, on ne s’embarque jamais dans un chemin où il n’y aurait pas de traces de moto ou vélo, on garde en tête que des mines ont été posées à outrance un peu partout dans le pays à l’époque des Khmers Rouges.
La saison des pluies n’est pas tout à fait terminée ce qui nous (Anthony) oblige à quelques sessions de portage de vélos sous les yeux des enfants curieux.
Ce qu’on apprécie surtout, c’est la vie qui s’organise autour de ces pistes éloignées. On y voit énormément d’enfants qui nous saluent frénétiquement tout au long du chemin. La moitié croisée est en tenue d’écolier et l’autre moitié joue dans la boues ou dans les bassins éphémères créés par la mousson, aide ses parents dans la rizière ; elle nous regarde passer, nous court après, mendit parfois, toujours avec le sourire. Ils connaissent tous un peu d’anglais, voici le top 5 des phrases préférées des enfants :
- « Hello »
- « Bye Bye » (souvent juste après le « hello » et parfois même avant)
- « What is your name? »
- « One dollar ! »
- « I love you »
A voir tous ces enfants partout, on s’interroge beaucoup sur l’école. Est-ce normal d’en voir autant pendant la journée ? Et même les écoliers, on les croise à toute heure. On apprend qu’il existe deux emplois du temps, matin ou après-midi, ce qui permet d’avoir moins d’écoles et moins de professeurs. Pas sûr néanmoins qu’ils aillent tous à l’école.
Des rizières s’étalent à perte de vue et on y fait parfois de belles rencontres, notamment cette femme qui sera ravie de poser pour nous plusieurs fois.
Le refuge
La cousine de mon père habite le Cambodge depuis plus de 20 ans alors il fallait qu’on fasse le détour. Nous arrivons donc un jour à Prey Veng, une petite ville à l’Est de la capitale. Il pleut une bonne partie de la nuit de notre arrivée, à notre réveil nous découvrons la maison entourée de 50 cm d’eau et la pluie tombe toute la journée. Ce qui aurait été une catastrophe chez nous est juste normal ici. On est content de ne pas être sur nos vélos. L’eau peut bien monter autour de nous, ce n’est pas grave, je me sens bien à me relaxer dans le hamac à l’abri sur la terrasse ou à jouer à des jeux de société… Je suis comme dans un cocon et le fait que ce soit avec de la famille n’y est pas pour rien. Nous restons deux jours avec Barbara et Kanika, sa fille, qui vivent à la cambodgienne dans une maison sur pilotis.
Phnom Penh, grande ville mais petite capitale
Une seule étape à vélo nous permet d’arriver à la capitale où nous restons plusieurs jours. C’est une ville à taille humaine où nous apprécions nous balader dans le centre près du Palais Royal et long du Mékong, au milieu de joueurs de badminton, cours de fitness en plein air et vendeurs de rue. Une grande zone est dédiée aux piétons et heureusement car les trottoirs du reste de la ville sont inaccessibles car occupés par des voitures, motos, échoppes, tables de restaurant… En fait il faut marcher sur la route ce qui est particulièrement dangereux ici. Du coup, on se déplace beaucoup à vélo le reste du temps. C’est un peu comme dans un jeu vidéo, il faut oublier les règles de conduite qu’on connait, être hypervigilant pour anticiper ou éviter les obstacles et surtout s’imposer. On a bien compris qu’à vélo on est en bas de l’échelle mais si on ne s’impose pas, on n’avance pas et on se débrouille plutôt bien.
Nous prenons le temps de visiter le musée du génocide installé dans un ancien lycée qui a servi de prison à l’époque des Khmers Rouges. Pour re-situer très vulgairement, les Khmers Rouges, une fois arrivés au pouvoir ont réussi à vider la ville de Phnom Penh en 48h. Allez, hop ! Tout le monde à la campagne pour cultiver du riz ! Le but étant de créer une société communiste sans classe. Du coup, tous les opposants, intellectuels, riches, etc…, étaient enfermés dans des prisons (comme l’ancien lycée) puis exécutés. Il paraîtrait que même porter des lunettes était un motif pour être arrêté ! C’est ainsi qu’environ 2 millions de Cambodgiens ont été tués… par des Cambodgiens.
Pour rendre plus intéressante la visite, on prend un guide francophone qui parcourt avec nous les différents bâtiments. La visite est dure car illustrée de nombreuses photos et peintures témoignant de la barbarie du régime. Il est surprenant de découvrir l’obsession poussée à l’extème pour l’archivage : une photo de chaque prisonnier à son arrivée alors qu’il sera tué, comme tous les autres… Nous avons aimé l’introduction du guide qui était de dire qu’on peut découvrir, apprendre, étudier cette période mais on ne peut pas la comprendre ; et sa conclusion sur le fait qu’ils ont essayé de faire reculer le pays de 2000 ans en arrière pour tenter de repartir d’une page blanche. Le guide nous raconte qu’il a vécu l’évacuation de Phnom Penh alors qu’il était adolescent ce qui nous donne un sentiment de proximité dans le temps. Dans la visite, une exposition propose des portraits d’époque et actuels de combatants Khmers Rouges qui ont repris aujourd’hui une vie normale suite à la réconciliation nationale. Nous réalisons soudainement que nous en avons peut être déjà croisés.
À Phnom Penh, nous passons du temps avec l’autre fille de Barbara, Nisay, et son mari Win. Ils se sont lancés dans la vente de café depuis un an ; nous en profitons pour leur faire une petite vidéo qui les aidera à se faire connaître :
Au Cambodge, nous devinons le passage des Français dans l’histoire du pays à travers le pain vendu sur les marchés ou dans des boulangeries et on a même vu deux fois des parties de pétanque se jouer.
Un peu las du paysage, nous avançons avec un bus vers le Nord pour rejoindre rapidement le Laos. Le trajet est pénible car devinez ce que fait le chauffeur de bus ? Il klaxonne à chaque fois qu’il croise ou dépasse un véhicule. Le trajet dure 8 heures, je vous laisse imaginer comme il nous tarde de passer à autre chose.
Très sincère et authentique ce post. J’ai eu l’impression d’être à vos côtés. Le passage par le musée khmer rouge a du être très difficile. Je reste donc avec le souvenir (peut être un peu imaginaire) de antho allongé dans la boue avec un pti cambodgien qui lui murmure « i love you » 🙂 🙂 🙂
Sincères et authentiques, c’est tout nous ça 🙂
Le musée du génocide est en effet tres intéressant. Je n’aime pas trop le musées en général mais celui-ci est selon moi un passage incontournable de Phnom Penh. Si on ne peut pas véritablement comprendre l’idéologie des Khmers Rouges et les atrocités commises cela nous a permis tout de même de comprendre pourquoi le pays est tant en retard par rapport à ses voisins. À l’époque ils ont coupé les arbres des forêts pour laisser place aux rizières alors tu imagines bien que cela prend du temps pour changer le système.
Sinon ton imagination est débordante 🙂
Que viagem incrível!! O que se vai aprendendo é do melhor que há! Fantástico! Adorei o video de promoção do café, podem até dedicar-se a isso, teriam de certeza muito sucesso. Beijos e cá fico à espera de mais aventuras vossas, Boa viagem, Beijinhos!!! <3
Obrigada Teresa, gostamos saber que tu sempre lês os artigos do blog e que gostas! Beijinhos grandes
J’aime beaucoup la video sur le café
Merci, nous sommes aussi satisfaits du résultat. Contrairement aux précédentes vidéos, nous avons beaucoup préparé celle-ci. On était venu faire des repérages la veille et on avait regardé quelques vidéos sur internet pour faire la liste des plans à faire.
Du coup, je pense que ce projet nous a pas mal appris pour les prochaines vidéos.
Ça a du être dur avec 8 heures de klaxon dans le bus
Moi, j’avais quand même mes excellents écouteurs qui isolent bien du bruit. Je préfère plutôt pédaler car ce genre de trajet en bus est fatigant mais pas une bonne fatigue comme celle à la fin d’une journée de vélo . Prendre le bus a quand même le mérite de vous faire gagner quelques jours sur un itinéraire inintéressant. D’ailleurs, la dernière journée au Cambodge n’a fait que confirmer notre sentiment global.
Great promotional video for Win!
Nous sommes assez satisfaits de notre vidéo mais si Nisai était très emballée, Win ne le semblait pas autant. On ne sait pas si c’est son caractère ou que ça ne lui plaisait pas. Il aurait sans doute aimé faire passer d’autres messages au travers de cette vidéo. Il nous a quand même refaire des plans (de café raté) le lendemain quand nous leur avons présenté le montage.
On trouve aussi qu’on a été super efficace puisque nous avons fait le tournage le matin et le montage l’après-midi.